Depuis une dizaine d’années, les formateurs et les organismes de formation se plaignent de la difficulté que les uns et les autres ont à juste maintenir leurs tarifs. Chacun y va de son explication, mais il y a une explication de fond, qui n’a rien de conjoncturelle et qui a été très bien décrite en théorie il y a longtemps ! Je vous invite à découvrir (redécouvrir) cet article « The Market for “Lemons” : Quality Uncertainty and the Market Mechanism » dont l’analyse et les conclusions s’appliquent si bien au secteur de la formation.
Que nous dit la théorie de la sélection adverse ?
Professeur à l'université de Californie à Berkeley, George Akerlof a été récompensé en 2001 par le prix Nobel d'économie pour ses recherches sur l'asymétrie d'information. The Market for “Lemons” : Quality Uncertainty and the Market Mechanism est son premier article sur le sujet, publié alors qu’il était jeune doctorant dans les années 1970.
La notion d’asymétrie d’information : l'article en question décrit le marché des véhicules d’occasion. Parmi ces voitures, certaines sont en bon état, et d'autres comportent des défauts cachés, plus ou moins graves, connus du vendeur mais que l'acheteur ne peut découvrir avant d'avoir acheté le véhicule.
Ce marché ne fonctionne ainsi pas dans des conditions de concurrence pure et parfaite : les parties prenantes sont en très grand nombre, les biens échangés sont hétérogènes (les voitures sont de qualités différentes) et il existe une asymétrie d'information entre vendeurs et acheteurs.
La notion de sélection adverse : dans ce marché, les vendeurs qui savent que leur voiture est en bon état veulent en tirer un prix correspondant à la qualité de leur véhicule, tandis que les vendeurs de véhicules de moindre qualité sont prêts à les vendre à un prix faible. Les acheteurs quant à eux savent qu'ils n'ont pas la possibilité de distinguer entre une bonne et une mauvaise voiture. Face à un vendeur, qui peut être de bonne foi mais qui peut tout aussi bien être un arnaqueur, un acheteur sera prêt à payer un prix inférieur à celui d'un bon véhicule, puisqu'il sait qu'il risque de tomber sur une voiture de mauvaise qualité. Sachant cela, le vendeur d'une bonne voiture qui ne veut pas vendre son véhicule à un prix inférieur à sa valeur va refuser les offres décevantes qui lui sont faites.
C’est pourquoi ne restent sur le marché que les mauvaises voitures, et les bonnes voitures d'occasion ne trouvent pas preneur. Le coeur du sujet est que les vendeurs de voitures de moindre qualité (Lemon en anglais familier signifie « vieux tacot ») cherchent toujours à apparaitre comme des vendeurs de bons véhicules aux yeux des acheteurs. Étant incapables de distinguer l'un de l'autre, ces derniers revoient à la baisse ce qu'ils sont prêts à payer, conduisant à l'éviction des bons vendeurs.
Un marché qui fonctionne de cette façon est pris dans une spirale négative et tous les acteurs sont pénalisés, acheteurs et vendeurs.
Comment cette théorie s'applique au secteur de la formation ?
Le secteur de la formation, tout comme le secteur de la vente de véhicules d’occasion est extrêmement morcelé ; que l’on parle des organismes de formation (environ 40 000) et encore plus des formateurs (100 000 et plus), les fournisseurs de prestations sont très nombreux et il est extrêmement difficile pour les acheteurs de les distinguer.
La théorie de la sélection adverse s’applique parfaitement bien au secteur de la formation : formateurs et organismes de formation vendent des prestations de services. Il est encore plus difficile pour un acheteur de distinguer la qualité d’une prestation par rapport à la qualité d’un produit en amont de la décision d’achat.
Et jusqu’il y a très peu de temps, les formateurs et les organismes de formation ne faisaient rien pour aider leurs clients à y voir plus clair ! Tout comme pour les acheteurs de véhicules d’occasion, les acheteurs de formation, n’ayant aucun outil leur permettant de distinguer la prestation de bonne qualité de la prestation de moindre qualité, pouvait négocier les tarifs des formation de manière très dure car dans le ratio qualité/prix, seul le prix était objectif.
Comment utiliser cette théorie pour mettre en place une stratégie d'augmentation de ses prix ?
Une fois que l’on a compris le principe de cette théorie, il n’y a plus pour les formateurs et les organismes qu’à apporter à leurs clients les preuves de la qualité des prestations délivrées.
Une première étape a été franchie en masse et sous la pression de la réglementation au 30 juin dernier, avec l’inscription obligatoire dans Datadock de tous les organismes qui souhaitent voir les formations financées par les OPCA. De nombreux organismes en ont d’ailleurs profité pour obtenir des labels ou certifications.
« Les éléments de preuve » qu’il a fallu renseigner sur les 21 critères du décret Qualité renseignent en réalité les clients et prospects sur l’existence de process (de convocation des participants, de collecte de leur degré de satisfaction, de sélection des formateurs…).. Mais qui dit process ne dit pas nécessairement qualité. C’est donc un élément de réassurance pour les clients, qui n’est pas suffisant.
Le plus important est d’apporter la preuve de la qualité des prestations délivrées, et ces preuves, on les trouve dans la réponse aux questionnaires de satisfaction à chaud renseignés par les participants.
La façon de gérer et d’exploiter les réponses aux questionnaires à chaud devient donc stratégique : plus on apportera des éléments de preuves objectifs de la qualité des prestations délivrées, plus le prospect connaitra avant la décision d’achat le niveau de qualité de ce qu’il achète, et plus il sera à même de payer un prix élevé car le risque de subir une prestation de qualité inférieure à ce qui a été vendu disparait.
En quoi la digitalisation des questionnaires de satisfaction à chaud nous aide ?
La collecte et encore plus l’exploitation des questionnaires de satisfaction est une tâche administrative très consommatrice de temps, c’est la raison pour laquelle les questionnaires papier ne sont pas exploités.
Dès lors que l’on digitalise les questionnaires, on peut stocker et exploiter automatiquement les données, ce qui permet d’éditer facilement des statistiques et faire des tris dans tous les sens : taux de satisfaction par formateur, par client, par séminaire. Les organismes disposent désormais des outils et de toutes les informations pour rassurer leurs clients et défendre leurs tarifs car ils peuvent attester de la qualité de ce qu’ils délivrent sur longue période.
Qu’est-ce qu’un élément de preuve objectif de la qualité ?
Pour que la preuve soit objective, il faut tout d’abord qu’elle soit fournie par un tiers qui n’est pas lié à l’acte de commercialisation de la formation (ni l’organisme lui-même, ni la plateforme qui le commercialise). Il ne doit donc pas y avoir le conflit d’intérêt.
Il faut également que cette preuve soit représentative : dire qu’une formation est de bonne qualité un jour donné ne sert à rien. Ce qui est très utile pour mesurer le risque pris par l’acheteur, c’est la moyenne de la qualité sur un temps long.
il faut ensuite que cette preuve soit comparable et c’est pour cette raison que nous militons chez Quality in Training pour l’utilisation d’un questionnaire de satisfaction normé qui permet de suivre l’évolution dans le temps et en benchmark de la qualité des prestations.
Il faut enfin que la preuve de la qualité des prestations couvre les deux facteurs principaux de qualité en matière de formation : qualité des contenus ET qualité des formateurs.
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